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Portrait de leader

Beijing dans la mire d'Alex Genest

Alex Genest
Alex Genest
Photo : Michel Caron

8 novembre 2007

Gilles Dallaire

Représenter le Canada aux Jeux olympiques dont Beijing sera le théâtre l'an prochain. Dans une discipline où un athlète canadien n'a jamais remporté une médaille, même de bronze, ni n'est même passé près de monter sur le podium : le 3000 m steeple-chase. C'est pourtant là l'objectif visé par Alex Genest, un étudiant de 21 ans originaire de Lac-aux-Sables, en Mauricie, qui a entrepris l'an dernier à l'Université de Sherbrooke des études en vue de l'obtention d'un baccalauréat en kinésiologie.

«Mon objectif est ambitieux, j'en suis conscient, mais je suis convaincu que je peux l'atteindre», affirme sur un ton décidé le jeune homme au visage de dieu grec qui a dû mettre la pédale douce à un entraînement intensif l'été dernier en raison d'une fracture imputable au stress.

À quelque chose malheur est bon, comme dit l'adage. Forcé par sa blessure de délaisser la compétition durant quelques mois, Alex Genest est parti pour l'Europe où, la distance aidant, il s'est longuement interrogé sur son attitude vis-à-vis du sport.

«Je me suis rendu compte qu'au fil des années, j'en étais lentement venu à me croire obligé de réaliser de bonnes performances, alors qu'à mes débuts, c'était par goût du dépassement, et non par obligation, que je visais la 1re place. Les quelques mois de repos et, surtout, de réflexion que ma blessure m'a contraint de prendre m'ont permis de revenir à l'attitude que j'avais à mes débuts. Maintenant, je considère de nouveau le sport comme un moyen d'arriver à un niveau idéal de mieux-être. Et non pas seulement comme un moyen me permettant de me hisser d'un cran au-dessus des autres athlètes qui excellent dans la même discipline que moi, explique-t-il. C'est une attitude semblable qui est responsable des succès des deux athlètes qui sont mes modèles, Michel Genest-Lahaie, participant au 400 m haies aux championnats universitaires mondiaux, et Sonia Paquette, athlète au 100 m haies aux Jeux olympiques d'Atlanta en 1996», ajoute-t-il.

Photo : Michel Caron

Il a beau n'avoir que 21 ans, voilà déjà neuf ans qu'il court. Il est d'ailleurs toujours resté fidèle à son tout premier entraîneur, Pierre Thibodeau, qui l'a remarqué au hasard d'une course. Celui-ci, de neuf ans son aîné, s'est rendu compte du premier coup d'oeil qu'il avait un talent hors de l'ordinaire. Il est resté son ombre même après qu'il a quitté sa Mauricie natale pour entreprendre des études collégiales à Sherbrooke.

«Il y avait et il y a encore dans son regard cette lueur qui brille dans les yeux d'un athlète déterminé à aller au bout de lui-même et qui démontre avec bien plus d'éloquence qu'un discours une volonté farouche d'atteindre les sommets», affirme Pierre Thibodeau qui, dès janvier, participera à des compétitions en Floride avec lui.

Alex Genest avoue aussi devoir beaucoup à Vincent Paquet, entraîneur adjoint en demi-fond à la Faculté d'éducation physique et sportive. «Comme Pierre, Vincent ne cesse de rappeler par la parole et par l'exemple que la performance sportive ne doit pas devenir une fin en soi, qu'elle doit être vue avant tout comme un outil de développement de tout l'être. Qu'elle doit être pour ainsi dire un train conduisant à une meilleure connaissance des autres et à l'appréciation des différences», dit-il.

Étonnants par leur maturité, ces propos? Pas vraiment. Pour ne pas s'en étonner, il faut savoir que, côté académique, Alex Genest a conservé jusqu'à présent une moyenne équivalent à un A, preuve éloquente que la performance sportive et la performance scolaire peuvent fort bien se conjuguer.

Encore moins étonnants quand on sait qu'à part se tailler une place au sein de l'équipe canadienne qui prendra part aux Jeux olympiques de Beijing, son rêve le plus cher est d'aller travailler quatre mois en Afrique pour un organisme d'aide humanitaire. «Dans les pays les plus pauvres. Je suis déjà allé au Niger, un pays où l'on partage le peu qu'on a non seulement avec ses proches et ses voisins, mais aussi avec tous les inconnus qui se pointent, où on prend vraiment le temps de vivre, d'être heureux en fin de compte. Le dépaysement total que j'y ai vécu, je veux le revivre à une plus large échelle», explique-t-il.

Alex Genest parle avec tant de conviction de sa vision du sport et de ses rêves qu'il faut quasiment insister pour qu'il consente à parler de ses succès passés. «Tout a commencé à débouler en 2003. J'ai pris la 6e place dans ma catégorie au 2000 m steeple-chase lors des championnats mondiaux. L'année suivante, j'ai fini en 15e position aux championnats mondiaux disputés à Grossetto, en Italie. En 2005, j'ai établi un record canadien chez les 19 ans et moins. L'année dernière, j'ai obtenu mon meilleur temps à vie, un chrono de 8 min 30 s 82 au 3000 m steeple-chase. J'ai aussi été choisi recrue de l'année sur le circuit universitaire canadien au cross-country et recrue masculine de l'année au Canada en athlétisme», raconte-t-il.

Photo : Michel Caron

Alex Genest garde un souvenir amusé des victoires qu'il a remportées l'an dernier aux championnats provinciaux civils et aux championnats universitaires canadiens de cross-country. «Le cross-country se court en forêt. Il y a des accidents de terrain, c'est inévitable, mais au moins, la piste est gazonnée. L'année dernière, les championnats provinciaux civils avaient lieu au mont Bellevue. C'était le 28 octobre. Comme il neigeait, le terrain était boueux, ça n'a pas été une course facile, d'autant plus que les pentes sont raides. Même chose aux championnats universitaires canadiens, qui avaient lieu deux semaines plus tard aux plaines d'Abraham, où les pentes sont tout aussi raides sinon plus qu'au mont Bellevue. Cette fois-là, il ventait fort et il faisait froid. Là non plus, ça n'a pas été du gâteau», rappelle-t-il en soulignant que ce sont des imprévus comme ceux-là qui mettent du piquant dans une compétition et obligent un athlète à donner sa pleine mesure. Il sait que, s'il réussit à faire l'équipe olympique canadienne, il aura à se mesurer à forte partie, principalement aux athlètes du Kenya, de l'Éthiopie et de l'Érythrée, qui dominent au steeple-chase. Un défi qui le laisse serein, lui qui est actuellement au 168e rang mondial dans cette discipline.

«L'important n'est pas de gagner, c'est de participer, comme disait Pierre de Coubertin», rappelle-t-il avec philosophie, tout en ajoutant avec un clin d'œil que ça fait toujours un petit velours de monter sur le podium.

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